Le Link, le Nims et Saint-Gobain : dix ans de collaboration internationale

International

Basé à Tsukuba au Japon, le Laboratory for Innovative Key Materials and Structures (Link) fête ses dix ans en 2024. Né d’une collaboration entre le CNRS, le National Institute for Materials Sciences (Nims) et Saint-Gobain, ce laboratoire international de recherche s’est spécialisé dans les matériaux avancés pour l’énergie et l’environnement. Son directeur, Fabien Grasset, nous présente cette structure atypique.

Quels sont les grands axes de recherche du LINK ?

Le premier domaine que notre équipe internationale a développé dès 2014 est une famille de revêtements nanocomposites transparents constituée de composés moléculaires (des « nanoclusters » de métaux de transition) aux propriétés optiques et électroniques très particulières. En effet, ceux-ci présentent des pics d’absorption très sélectifs des rayonnements UV et infrarouges solaires, qui peuvent par ailleurs être modulés en longueur d’onde et en intensité. Cette versatilité permet d’envisager leur utilisation dans des revêtements fonctionnels pour de nouveaux vitrages photosensibles.

En 2019, lors du renouvellement du LINK, le laboratoire a ajouté à son champ d’expertise les matériaux céramiques thermoélectriques grâce à l’arrivée d’une part de Takao Mori et Tohru Suzuki (NIMS) et d’autre part de David Berthebaud et Jean-François Halet (CNRS). Ces matériaux sont capables de transformer la chaleur en électricité. Une propriété bien utile quand on sait qu’une grande partie de l’énergie utilisée quotidiennement est malheureusement perdue sous forme de chaleur. Pour rendre leur utilisation plus large, il faudra néanmoins améliorer leur rendement.

Enfin, depuis 2024, le cœur de métier du LINK se déplace progressivement vers les matériaux pour l’hydrogène et le design de matériaux assisté par des intelligences artificielles. Ces nouvelles thématiques sont développées sous la direction de Hiroyo Segawa et Naoki Ohashi (NIMS), Fabien Grasset et Jean-Claude Crivello (CNRS) et Mari Kono (Saint-Gobain), en collaboration avec l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/ENSC Rennes/Université de Rennes/INSA Rennes), l’Institut de chimie et des matériaux Paris-Est (CNRS/Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne) et les centres de recherche de Saint-Gobain à Paris, en Provence et à Shanghai.

Ces évolutions thématiques montrent que le LINK, tout en restant axé depuis 2014 sur les matériaux avancés pour l’énergie et l’environnement, a su s’adapter aux nouveaux enjeux de la recherche.

Pourquoi avoir fait le choix du Japon et du NIMS comme partenaire en particulier ?

Parce qu’il s’agit d’un institut de recherche d’excellence qui jouait déjà, à la création du LINK en 2014, un rôle déterminant dans le développement de la science des matériaux. Si on élargit la focale, le Japon est un partenaire stratégique de la France depuis 1995, et même un partenaire « d’exception » depuis 2013. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le CNRS en faisant le choix d’implanter de plus en plus d’International Research Laboratories (IRL) comme le LINK au Japon : il en existe aujourd’hui douze, contre seulement quatre il y a dix ans.

A titre personnel, mes relations avec le Japon remontent au début des années 2000 avec un stage postdoctoral au NIMS. Cet institut de recherche m’apparaissait déjà comme un des futurs leaders mondiaux en science des matériaux. J’ai tout de suite eu un coup de cœur pour le pays et j’y suis resté fidèle depuis ce premier séjour. Aujourd’hui, après quasiment 25 ans de collaboration, je considère le LINK comme un des beaux résultats issus de toutes ces opportunités.

Quels sont les principaux résultats obtenus au LINK et quelles sont les perspectives pour l’avenir ?

Le premier constat, c’est que le laboratoire fonctionne bien au quotidien. Ce qui n’est pas du tout évident, étant donné qu’il s’agit d’une collaboration internationale impliquant trois tutelles, dont une industrielle. Depuis 10 ans, le LINK a largement favorisé les échanges entre les différents partenaires en agissant comme un « catalyseur ». En effet, la feuille de route scientifique est co-construite entre chercheurs, de sorte à élaborer un projet durable au-delà des frontières et des différences culturelles.

Une des plus belles réussites du LINK, c’est d’avoir accueilli en dix ans plus de 50 jeunes chercheurs (stagiaires, doctorants et post-doctorants) issus d’horizons (grandes écoles, écoles d’ingénieurs, universités…) et de pays (Japon, France, Vietnam, Inde, Chine, Australie, Grèce, Tunisie, Russie, Algérie…) très divers. Ces jeunes, qui apportent leur motivation et leur regard neuf, me donnent confiance dans l’avenir des relations scientifiques franco-japonaises. Après leur formation, ces jeunes pousses iront irriguer les entreprises et les laboratoires français, européens et asiatiques. Nous devons tout faire pour les encourager et c’est aussi pour cela que 50% de notre budget recherche sert à les rémunérer.

En ce qui concerne les résultats scientifiques obtenus par le LINK depuis dix ans, beaucoup ont des applications dans les domaines de l’énergie et de l’environnement. Par exemple, nos études sur les revêtements nanocomposites transparents pour le vitrage à contrôle solaire, soutenues par un projet ANR PRCE, ont attiré l’attention de revues grand public. Nous avons aussi développé, grâce à une collaboration avec l’équipe de Nathalie Herlin-Boime au CEA, un nouveau procédé de synthèse par pyrolyse laser de carbure de molybdène en utilisant de l’eau et un oxyde de molybdène peu coûteux. Cette recherche s’inscrit pleinement dans la course aux catalyseurs alternatifs aux métaux nobles, moins rares et moins toxiques, qui permettront de produire du dihydrogène renouvelable ou encore des piles à combustible en remplacement des moteurs thermiques.

Pour supporter une partie de la recherche du LINK, l’utilisation des techniques d’apprentissage automatique (machine learning) constitue une des perspectives les plus stimulantes, notamment par l’application d’approches supervisées conventionnelles, accélérant les prédictions, ou par le développement d’algorithmes génératifs pour la découverte de nouveaux composés. Jean-Claude Crivello, directeur adjoint du réseau thématique IA-MAT, nouvellement affecté au LINK depuis l’été 2023, porte ainsi trois projets sur ce thème. Cela nous permet d’ailleurs d’inscrire nos travaux dans le cadre plus large des Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Hydrogène et Matériaux Emergents. Le troisième mandat du LINK s’annonce donc très riche !

100 visiteurs
10+ workshops
5 projets ANR
130 articles
2 brevets
Célébration des 10 ans du laboratoire à Rennes, le 4 juin 2024© Université de Rennes

Le CNRS renouvelle son accord-cadre avec le NIMS

Le 3 juin, le CNRS a renouvelé son accord-cadre avec le National Institute for Materials Science (NIMS), un institut de recherche japonais majeur dans le domaine des sciences des matériaux.

Le président du NIMS, Kazuhiro Hono, s’est rendu au siège du CNRS le 3 juin pour renouveler l’accord-cadre entre les institutions. Leur collaboration étroite s’articule en particulier autour du LINK (CNRS/NIMS/Saint-Gobain), un laboratoire international de recherche axé sur les matériaux avancés pour l’énergie et l’environnement créé en 2014. Les deux instituts de recherche souhaitent désormais renforcer leur partenariat au-delà du LINK.

La visite de la délégation japonaise en France était également l’occasion de leur présenter trois Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) pilotés par le CNRS : Hydrogène décarboné (Abdelilah Slaoui), Matériaux émergents (Mario Maglione) et Batteries (Patrice Simon et Mathieu Morcrette).

Signature du MoU

Contact

Fabien Grasset
Chercheur au Laboratory for Innovative Key Materials and Structures (NIMS/Saint-Gobain/CNRS)
Communication CNRS Chimie