Amination en 3D : une stratégie asymétrique pour fonctionnaliser des molécules bioactives

Résultats scientifiques Catalyse Molécules

Fonctionnaliser de manière ciblée une seule des nombreuses liaisons carbone-hydrogène (C-H) d’un composé organique représente aujourd’hui un véritable défi pour les chimistes. Des chercheurs de l’Institut de chimie des substances naturelles (CNRS) viennent d’accomplir cet exploit en greffant sélectivement une fonction azotée sur une seule position d’une molécule, qui plus est sur l’une des deux liaisons C-H qui ne se différencient que par leur position géométrique dans l’espace. Leur fonctionnalisation conduit à des molécules énantiomères quasi-identiques, symétriques dans un miroir mais non superposables, comme la main gauche et la main droite. Ces travaux, parus dans la revue Angewandte Chemie, pourraient permettre de moduler l’activité de molécules bioactives en y introduisant « à façon » de nouvelles fonctions chimiques.

Ajouter sélectivement une fonction azotée sur une molécule bioactive en modifie les propriétés, tant dans sa capacité à interagir avec sa cible biologique que dans ses paramètres physico-chimiques (solubilité, stabilité). De telles transformations, nommées « amination C-H », constituent un défi pour le chimiste, car elles impliquent de rompre de manière sélective des liaisons carbone-hydrogène solides et très semblables. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de différencier deux liaisons C-H énantiotopiques qui ne se différencient que parce que leur fonctionnalisation conduit à la formation de deux produits énantiomères1 mais aux propriétés souvent diamétralement opposées.

Les chercheurs de l’Institut des substances naturelles du CNRS ont rendu possible cette réaction hyper-sélective grâce à la catalyse organométallique. La combinaison d’un nouveau complexe de rhodium (utilisé en faible quantité), d’un nouveau donneur d’azote et d’un réactif oxydant leur permet de générer un intermédiaire de type « rhodium-nitrène ». Ce complexe joue le rôle d’« agrafeuse » en introduisant directement le groupement azoté sur la liaison C-H énantiotopique ciblée. Cette méthode permet d’obtenir en grande quantité des produits à haute valeur ajoutée difficiles à préparer par d’autres stratégies, à partir de réactifs simples et manipulables sans précaution particulière.

Les chercheurs envisagent déjà d’appliquer ce nouveau procédé à des produits naturels pour moduler leur activité biologique, mais aussi aux alcanes simples ou paraffines issus de la pétrochimie, afin d’obtenir des molécules fonctionnalisées en peu d’étapes.

  • 1Deux molécules énantiomères sont symétriques dans un miroir mais non superposables, comme la main gauche et la main droite.
© Philippe Dauban

Référence

Catalytic Enantioselective Intermolecular Benzylic C(sp3)—H Amination
Ali Nasrallah, Vincent Boquet, Alexandra Hecker, Pascal Retailleau, Benjamin Darses, Philippe Dauban

Angew. Chem. Int. Ed. - Avril 2019
DOI: 10.1002/anie.201902882

Contact

Philippe Dauban
Chercheur (ICSN UPR2301)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication