Alzheimer : le fluide cérébral, acteur clé de l’agrégation des protéines toxiques

Résultats scientifiques

Une équipe franco-italienne de scientifiques a découvert que le liquide interstitiel du cerveau, censé évacuer les déchets, pourrait en réalité favoriser l’agrégation des protéines amyloïdes responsables de la maladie d’Alzheimer. Cette étude théorique, publiée dans PNAS Nexus, permet de mieux comprendre pourquoi et comment ces amas toxiques se forment et potentiellement trouver de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Le cerveau contient plusieurs fluides distincts, dont le liquide interstitiel cérébral dans lequel baignent les cellules nerveuses. Ce liquide assure le transport de nutriments, d'ions et de neurotransmetteurs essentiels à l'activité neuronale, mais aussi l’élimination des déchets. Les mécanismes sous-jacents à cette élimination sont encore mal compris et constituent un sujet de débat actif. En particulier, le rôle de ce fluide interstitiel dans l’accumulation des protéines amyloïdes, ces agrégats caractéristiques de l'apparition et de la progression de la maladie d’Alzheimer, reste pratiquement inconnu.

Une équipe du Laboratoire de biochimie théorique (CNRS/Université paris Cité), en collaboration avec des scientifiques italiens, a entrepris de modéliser ce fluide et d’y simuler le mouvement de protéines amyloïdes individuelles ou agrégées. Grâce à des simulations numériques avancées, basées sur la combinaison de techniques de dynamique des fluides et de dynamique moléculaire, ils ont pu décrire avec précision le déplacement des protéines amyloïdes dans cet environnement fluide. Ils ont montré que, contrairement à certaines hypothèses antérieures, la diffusion est le principal mécanisme permettant aux petites protéines de se déplacer et d’être éliminées. En revanche, lorsque ces protéines commencent à s’assembler en structures plus larges, elles sont potentiellement entraînées par le mouvement du fluide, ce qui pourrait accélérer leur accumulation.

L’étude révèle également que l’hydrodynamique locale – les courants et contraintes exercés par le fluide sur les protéines – favorise l’agrégation des protéines amyloïdes à chaque étape de leur formation. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi certaines zones du cerveau sont plus touchées par la maladie. Enfin, la présence d’agrégats modifie la circulation du fluide, créant un cercle vicieux où les amas toxiques continuent de se développer.

Ces découvertes, publiées dans PNAS NEXUS, ouvrent des perspectives prometteuses pour le développement de nouvelles thérapies contre la maladie d’Alzheimer. En comprenant mieux le rôle du fluide interstitiel cérébral dans l’agrégation des protéines, les scientifiques pourraient identifier des stratégies pour améliorer l’élimination des toxines ou concevoir des traitements ciblant directement ces dynamiques fluides.

Rédacteur : AVR

Référence

Fluid flow and amyloid transport and aggregation in the Brain Interstitial Space
Antonio Iorio, Simone Melchionna, Philippe Derreumaux & Fabio Sterpone
PNAS NEXUS 2025
https://doi.org/10.1093/pnasnexus/pgae548

Contact

Fabio Sterpone
Chercheur au Laboratoire de biochimie théorique (CNRS/Université de Paris Cité)
Communication CNRS Chimie