Aérosols : identifier et observer en temps réel les molécules impliquées
Une des grandes incertitudes qui persiste autour du réchauffement climatique est l’impact des nuages. On sait qu’ils se forment par condensation d’eau autour de microparticules appelées aérosols. L’origine moléculaire de ces aérosols est quant à elle peu comprise et difficile à mesurer en temps réel car les concentrations dans l’air sont très faibles. Une équipe de scientifiques de l’IRCELYON (CNRS/Université Claude Bernard) a récemment mis au point une nouvelle technique d’analyse ultra-sensible basée sur la spectrométrie de masse. Cette technique leur a permis d’identifier, pour la première fois et en temps réel, la structure des composés impliqués dans la formation des embryons moléculaires à l’origine d’aérosols. Publiés dans la revue Nature Communications, ces résultats ouvrent la voie vers une meilleure compréhension et prédiction de la formation et volatilité des aérosols, et par conséquent du climat.
Les aérosols sont des microparticules qui se forment dans l’atmosphère par une série de réactions d’oxydation, par l’ozone notamment, de petites molécules organiques volatiles. Ces particules ont un impact considérable tant sur le climat que la santé. Elles interagissent directement avec la lumière et sont les noyaux de condensation à l’origine de la formation des nuages. Leur rôle exact dans cette formation reste d’ailleurs une source d’incertitudes majeure dans la modélisation et la prédiction du climat. Si l’on sait qu’une classe de produits d'oxydation, appelés molécules organiques hautement oxygénées, joue un rôle clef dans la formation et la croissance des particules atmosphériques, les mécanismes de réaction ainsi que les structures de ces espèces très réactives restent insaisissables.
Pour élucider cette question, des chimistes de l’Institut de recherche sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELYON, CNRS/Université Claude Bernard) ont étudié l'oxydation par l’ozone, ou ozonolyse, de monoterpènes, une classe très répandue de molécules organiques volatiles émises par les plantes et à l’origine des aérosols. Pour cela, ils ont utilisé une source d’ionisation chimique (CI) récemment développée à l’Ircelyon1 et qui permet, couplée à un spectromètre de masse ultra-sensible, d’isoler et étudier en temps réel les structures des espèces clés dans la formation des aérosols, tels que les radicaux et dimères. Le principe est simple : l’air contenant de très faibles concentrations de ces espèces très réactives est aspiré et rencontre un flux d’ions, ici NO3–, qui s’attachent aux molécules ciblées sans les dénaturer. Les ions ainsi formés peuvent être ensuite guidés, triés et détectés par spectrométrie de masse. Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, permettent de mieux comprendre la chimie radicalaire qui se déroule dans l’atmosphère et devraient fournir des hypothèses plus réalistes pour modéliser la formation des aérosols et, donc, des nuages. L’approche expérimentale proposée devrait également permettre l’étude en temps réel d’espèces réactives de courte durée de vie qui peuvent se former en très faible concentration dans d’autres processus chimiques en phase gazeuse.
Référence
Structures and reactivity of peroxy radicals and dimeric products revealed by online tandem mass spectrometry Sophie Tomaz, Dongyu Wang, Nicolás Zabalegui, Dandan Li, Houssni Lamkaddam, Franziska Bachmeier, Alexander Vogel, María Eugenia Monge, Sébastien Perrier, Urs Baltensperger, Christian George, Matti Rissanen, Mikael Ehn, Imad El Haddad et Matthieu Riva, Nature Communications 12 janvier 2021.
https://doi.org/10.1038/s41467-020-20532-2