Quatre cents ans d’histoire de la chimie à portée de smartphone
Le laboratoire Molécules de communication et adaptation des microorganismes[1] lance un projet numérique qui retrace 400 ans d’histoire de la chimie au Muséum sous la forme d’une expérience de "scrollytelling". Christine Bailly, co-responsable technique de la chimiothèque et de l'extractothèque du Muséum, raconte cette belle aventure.
Quelles étaient les motivations de votre équipe pour mettre en œuvre ce projet numérique ?
Nous avons déposé un projet de mécénat avec la fondation de la Maison de la Chimie en 2018. Ce projet comportait trois volets : la restauration de la salle des collections (récompensée en 2023 par le Cristal collectif du CNRS), le financement de trois années de visites théâtralisées et une visite virtuelle de la salle. Cette salle, qui date de 150 ans, est encore aujourd’hui un laboratoire de recherche dans lequel se font des expériences de chimie et biochimie. Contrairement aux autres lieux du Muséum, elle n’est donc ouverte au public que pour quelques événements bien encadrés comme la fête de la science ou les journées du patrimoine. Nous avions cependant à cœur de la faire visiter de façon virtuelle.
La société Upian[2] a remporté l’appel d’offres lancé par le service des contenus numériques du Muséum sur ce projet virtuel et nous a proposé de réaliser une expérience de scrollytelling. C’est l’option que nous avons sélectionnée.
En quoi consiste le scrollytelling et pourquoi ce choix ?
Dans de nombreuses circonstances comme les transports, les files d’attente… on consulte son smartphone en scrollant, c’est-à-dire qu’on fait défiler quelque chose à l’écran. C’est en partant de ce constat que la société Upian nous a proposé le scrollytelling, c’est-à-dire un format ludique dans lequel on raconte une histoire en faisant défiler du contenu, généralement en combinant du texte, des illustrations et des quizz. Nous avons fait le choix d’un récit chronologique, parce que les découvertes des uns ont souvent motivé les recherches des autres. Cela nous permettait aussi de garder le rythme qu’on avait élaboré pour les visites guidées de la salle, en ponctuant le récit d’anecdotes comme celles autour de Michel-Eugène Chevreul. Directeur du Muséum de 1836 à 1879 et chimiste prolifique, il est connu pour ses travaux sur la saponification ou encore sa découverte du cholestérol.
Une fois le format choisi, le service des contenus numériques et nous avons travaillé pendant sept mois avec le prestataire. Nous élaborions et validions le contenu qu’il dessinait et animait. C’est un long travail, mais nous sommes très satisfaits du résultat. D’autant que ce projet numérique, auquel on peut accéder quand on le souhaite, a le potentiel de toucher un public plus large que les visites théâtralisées.
Quel public visez-vous à travers ce dispositif et qu’espérez-vous qu’il apprenne de la chimie et du laboratoire ?
Au départ, nous visions un public plutôt averti, qui a déjà quelques notions de chimie. Mais très vite, nous avons compris qu’en vulgarisant un peu plus, nous pouvions faire passer beaucoup de messages. Le résultat final est un récit ludique qui, avec ses nombreuses anecdotes, parle aussi bien au jeune public ou à des personnes sans une appétence particulière pour les sciences qu’à un public plus averti. La page a été mise en ligne récemment, mais nous avons rapidement été approchés par des enseignants qui souhaitent utiliser notre dispositif comme support pédagogique.
Que ce soit au travers de la restauration de la salle des collections, de la visite théâtralisée ou de ce projet numérique, notre objectif principal est de remettre la chimie à sa place au Muséum et de faire voir que cette science de la transformation de la matière est omniprésente dans notre quotidien. Le Jardin des Plantes et le Muséum sont vraiment des lieux emblématiques et connus de tous à Paris, mais le grand public sait rarement que la chimie y a toujours eu une place à part entière, au même niveau que la botanique et l’anatomie. La chimie souffre d’une image négative, mais on a souvent tendance à oublier que sans une chimie comme celle pratiquée au Muséum, il n’y aurait pas eu de médecine ni de pharmacie !
Enfin, au-delà de l’histoire passée, ce dispositif montre l’histoire qui se construit aujourd’hui, avec la recherche en train de se faire. J’espère que ce projet permettra de créer des vocations chez les jeunes, en particulier chez les jeunes femmes, pour faire de la science et de la chimie !
[1] MCAM – CNRS/Muséum national d’histoire naturelle
[2] Upian Studio est une société spécialisée dans la conception et le développement d’interfaces et de sites web pour les médias et les institutions culturelles.
Référence
« Petite histoire de la chimie au Muséum », disponible sur le site du MNHN.