Comprendre les limites des batteries aluminium pour mieux les dépasser

Résultats scientifiques Energie

En théorie, les batteries aluminium sont moins chères et plus puissantes que les batteries classiques au lithium, un métal de plus en plus rare. Dans les faits cependant, leurs performances restent inférieures. Des chercheurs du PHENIX (CNRS/Sorbonne Université), de l’IMMM (CNRS/Université du Mans), du CEMHTI (CNRS), de l’Université de Bath (Royaume-Uni), de l’Université technique de Berlin (Allemagne) et du laboratoire national d’Argonne (États-Unis) ont découvert la raison de cet écart de performance.  Selon ces travaux publiés dans la revue Angewandte Chemie, les ions aluminium perturbent le réseau cristallin des électrodes, empêchant ainsi d’autres ions aluminium de s’y insérer.

Grâce à leur capacité à stocker de grandes quantités d’énergie sur des volumes et des poids réduits, les batteries lithium se sont imposées dans la majorité des appareils électroniques sans fil, comme nos smartphones et nos ordinateurs portables. Le lithium est cependant un métal très rare et s’emploie avec des électrodes en cobalt ou en nickel, des matériaux dont l’approvisionnement est encore plus critique. Une situation qui devrait s’accentuer avec la démocratisation des véhicules électriques et de leurs batteries volumineuses. Parmi les alternatives les plus prometteuses, les batteries aluminium ont le net avantage d’être composées du métal le plus abondant sur Terre. L’ion aluminium (Al3+) libère de plus trois électrons contre un seul pour l’ion lithium (Li+), ce qui fait que, à quantités égales, l’aluminium relâche trois fois plus d’énergie. Malgré cela, les batteries aluminium sont dans la pratique bien moins performantes, sans que la cause soit bien comprise. Des chercheurs du laboratoire Physico-chimie des électrolytes et nano-systèmes interfaciaux (PHENIX, CNRS/Sorbonne Université), de l’Institut des molécules et des matériaux du Mans (IMMM, CNRS/Université du Mans), du laboratoire Conditions extrêmes et matériaux : haute température et irradiation (CEMHTI, CNRS), de l’Université de Bath (Royaume-Uni), de l’Université technique de Berlin (Allemagne) et du laboratoire national d’Argonne (États-Unis) ont découvert que, lorsqu’un ion aluminium pénètre dans une électrode, il empêche une partie des autres ions de faire de même. Cela explique enfin pourquoi les performances sont moins bonnes qu’en théorie et cette nouvelle recherche permet d’envisager des pistes de réflexion pour pallier ce problème.

Les auteurs de l’étude ont découvert ce phénomène en testant une électrode en oxyde de titane pour des batteries aluminium. Si le candidat en oxyde de titane n’a pas été aussi efficace qu’escompté, les tests ont été l’occasion de mener des observations par résonnance magnétique nucléaire (RMN), une technique de spectroscopie qui s’est révélée très puissante pour sonder l’environnement des ions aluminium. Les chercheurs ont ainsi constaté que lorsque Al3+ s’intercale dans l’électrode, il interagit fortement avec elle et distord localement le réseau cristallin. Ainsi, certains sites où d’autres ions Al3+ auraient pu s’installer à leur tour sont en quelque sorte bouchés. Comme moins d’ions peuvent réagir avec l’électrode, les performances sont bien plus faibles qu’attendu. Mieux comprendre la chimie d’intercalation de ces ions devrait permettre de proposer des matériaux plus performants, et d’envisager des dispositifs commerciaux.

L’insertion d’un ion Al3+ dans un site disponible provoque une distorsion qui empêche l’occupation d’un site adjacent. © Damien Dambournet

Références :

Christophe Legein, Benjamin J. Morgan, Franck Fayon, Toshinari Koketsu, Jiwei Ma, Monique Body, Vincent Sarou-Kanian, Xian-Kui Wei, Marc Heggen, Olaf J. Borkiewicz, Peter Strasser et Damien Dambournet. Atomic Insights into Aluminium-Ion Insertion in Defective Anatase for Batteries. Angewandte Chemie, 10/07/2020.

DOI: 10.1002/anie.202007983

Contact

Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS