Un premier pas vers des antidépresseurs alternatifs

Résultats scientifiques Vivant et santé

Anxiété, aversion sociale, troubles de la mémoire… Les troubles dépressifs sont fréquents et les antidépresseurs peu efficaces. Des scientifiques du laboratoire Neuroscience Paris Seine (CNRS/ Inserm/Sorbonne Université), Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (CNRS/Université Paris Descartes), du Laboratoire des biomolécules (CNRS/ENS/Sorbonne Université), du Centre de recherches sur la cognition animale à Toulouse et leurs collègues espagnols ont montré l’efficacité, pour le moment sur la souris, d’une molécule visant une nouvelle cible thérapeutique. Des résultats encourageants publiés dans la revue Molecular Psychiatry.

Les troubles de l'humeur sont des maladies invalidantes et fréquentes : jusqu'à 16 % de la population mondiale est affectée à des degrés divers par des syndromes de types dépressifs (anhédonie1 , anxiété, aversion sociale, troubles cognitifs, etc.). Or, la plupart des antidépresseurs traditionnellement utilisés2 pour soigner la dépression majeure présentent un délai d'action long et une mauvaise efficacité chez un tiers des patients. Des biologistes et chimistes du laboratoire Neuroscience Paris Seine (CNRS//Inserm/Sorbonne Université), du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (CNRS/Université Paris Descartes), du Laboratoire des Biomolécules (CNRS/ENS/Sorbonne Université), du Centre de Recherches sur la Cognition Animale  à Toulouse et leurs collègues espagnols ont apporté la preuve de concept qu’une famille de transporteurs3 atypiques, les transporteurs de cations organiques (OCT), constituent des cibles thérapeutiques pertinentes pour le développement de traitements plus efficaces.

Les équipes de recherche ont développé une molécule ciblant sélectivement les OCT. Cette molécule a ensuite été modifiée en prodrogue afin de permettre sa pénétration dans le cerveau et son activation in situ. Les effets antidépresseurs de ce composé, appelé H2-cyanome, ont été testés sur un modèle validé de dépression chronique chez la souris : l'administration prolongée de la prodrogue  amène une rémission des anomalies comportementales caractéristiques de la dépression aussi efficacement que la fluoxétine (Prozac®), et même plus efficacement avec un effet accéléré sur l'anhédonie (11 jours contre 21 jours pour la fluoxétine) et plus marqué sur l'anxiété. Le H2-cyanome modifie l’activité électrique d’une zone du cerveau importante pour le plaisir et donc l’anhédonie, l’aire tegmentale ventrale, ainsi que l’activité de voies de signalisation intracellulaires précédemment impliquées dans l’action des antidépresseurs conventionnels. Ces travaux fournissent un cadre pour le développement de nouvelles classes d’antidépresseurs et des approches thérapeutiques alternatives pour la dépression résistante, et pour d’autres troubles de l’humeur comme l’anxiété.

  • 1Incapacité à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes.
  • 2Des inhibiteurs de recapture de la sérotonine et/ou de la norépinephrine, qui exercent leurs effets principalement en augmentant la concentration extracellulaire de ces neurotransmetteurs.
  • 3Protéines permettant le passage de molécules au travers des membranes cellulaires, par exemple du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire.

Références

Alejandro Orrico-Sanchez, Laetitia Chausset-Boissarie, Rodolphe Alves De Sousa, Basile Coutens, Sara Rezai Amin, Vincent Vialou, Franck Louis, Assia Hessani, Patrick M. Dansette, Teodoro Zornoza, Carole Gruszczynski, Bruno Giros, Bruno P. Guiard, Francine Acher, Nicolas Pietrancosta*, Sophie Gautron*
Antidepressant efficacy of a selective organic cation transporter blocker in a mouse model of depression
Molecular PsychiatryOctobre 2019
DOI: 10.1038/s41380-019-0548-4

Contact

Sophie Gautron
Neurosciences Paris-Seine (UMR8246)
Nicolas Pietrancosta
Laboratoire des biomolécules (UMR7203)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication