Trois questions à Sylvain Achelle sur… ses dernières recherches sur les chromophores

Épaulé par ses collègues de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/Université de Rennes 1/ENSCR/INSA) et d’universités espagnoles et tchèques, Sylvain Achelle, maître de conférences à l’IUT de Lannion, scrute la luminescence des chromophores. Ces travaux visent à concevoir des LED organiques à moindre coût.

Que sont les chromophores et comment les étudiez-vous ?

Les chromophores sont des groupements d’atomes qui, au sein d’une molécule, lui donnent sa couleur en absorbant certaines longueurs d’onde. Ils forment en ce moment, notamment en France, un axe de recherche très actif et concurrentiel. À l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/Université de Rennes 1/ENSCR/INSA), nous développons depuis une dizaine d’années de nombreuses séries de chromophores à base de pyridine, de diazines et de benzodiazines.

Ces composés organiques cycliques, à base de carbone et d’azote, sont de type push-pull, c’est-à-dire qu’ils sont capables d’à la fois attirer et de donner des électrons pour les transférer au sein de la molécule. Cette circulation rend certains de ces composés fortement luminescents, et nous étudions l’effet que la protonation a sur eux. En ajoutant un proton à la diazine, elle va ainsi attirer et transférer davantage d’électrons, ce qui va déplacer ses propriétés d’émission vers le rouge.

Quel est l’intérêt de ces matériaux par rapport aux autres composés luminescents ?

Les diodes électroluminescentes organiques (OLED) produisent une lumière blanche en additionnant plusieurs composés de couleur différente. Si la diazine émet une lumière bleue, elle passe au rouge une fois protonée. Si l’on combine les deux, à l’état solide ou à l’état liquide, on obtient une luminescence blanche avec un seul composé organique, présent sous deux formes distinctes. Pareil pour les dérivés de pyridine, qui émettent dans le violet à l’état neutre et dans le jaune après protonation. Tout cela simplifierait donc la fabrication des OLED et en réduirait le coût.

Ces chromophores pourraient également servir de détecteur d’acidité. Un composé acide aura en effet tendance à céder des protons, ce qui modifiera la couleur des chromophores. La conception d’OLED meilleur marché reste cependant l’axe principal de nos recherches.

Comment s’organisent les équipes de recherche auxquelles vous participez ?

Ce projet sur la protonation des chromophores a commencé en 2015, lorsque j’ai été professeur invité à l’université de Castille-La Manche, en Espagne. Un échange d’étudiants avec la République Tchèque a ensuite développé le réseau. Celui-ci s’articule autour Françoise Le Guen et moi au sein de l’antenne de l’ISCR de Lannion, de Julian Rodríguez-López en Espagne et de Filip Bureš à l’université tchèque de Pardubice. Nous espérons conforter de plus en plus cette collaboration internationale. Nous avons soumis un dossier International Emerging Action, pour l’instant en cours d’évaluation.

Reference

Sylvain Achelle, Julián Rodríguez-López, Filip Bureš et Françoise Robin le Guen. Tuning the Photophysical Properties of PushPull Azaheterocyclic Chromophores by Protonation: A Brief Overview of a French-Spanish-Czech ProjectChem. Rec. 2019.

DOI : 10.1002/tcr.201900064

Exemples de combinaisons de chromophores donnant une lumière blanche. © Sylvain Achelle.