Spinofrin, la première start-up issue du CNRS co-créée avec un « start-up studio »

Entretiens Matériaux

 

Directeur du laboratoire 1   qu’il a fondé il y a une dizaine d’années, Denis Spitzer se décrit lui-même comme « un chercheur qui a les pieds sur terre ». Sa recherche ? Il a toujours cru qu’elle aboutirait. La question la plus complexe était de savoir comment la valoriser et la transférer. La réponse s’est concrétisée dans le rapprochement avec le « start-up studio » Technofounders avec laquelle il a co-fondé la start-up Spinofrin. Le chercheur nous explique ce choix de business model et nous confie sa vision de la création d’entreprises par des chercheurs.

  • 1Le laboratoire des Nanomatériaux pour les systèmes sous sollicitations extrêmes (NS3E) est hébergé au sein de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (CNRS/ISL/Université de Strasbourg)

Quelle technologie, développée au sein de votre laboratoire, vous a amené à créer la start-up Spinofrin ?


Denis Spitzer : Le procédé aujourd’hui en phase de transfert permet de produire des particules submicroniques, entre 100 nanomètres et 1 micromètre de diamètre. L’idée initiale était de cristalliser des composés organiques énergétiques pour réduire leur dangerosité en diminuant leur taille. La sensibilité des explosifs dépend de la concentration en défauts. En réduisant la taille des particules, on réduit le nombre de leurs défauts et donc leur sensibilité. Concrètement, le procédé SFE (pour Spray Flash Evaporation) consiste en une évaporation « flash » de la solution contenant le composé à cristalliser sous forme de fines particules. En tapant dans une fenêtre non couverte par d’autres techniques existantes, cette technologie intéresse le secteur pharmaceutique, mais aussi les industries cosmétiques et agroalimentaires.

 


Seulement 5 % des startups européennes sont des spinoffs issues du monde académique, ce qui est bien éloigné des performances outre-Atlantique. Quel a été votre moteur pour créer cette startup ?


D. S. : Après ma thèse en 1993, j’ai travaillé dans le transfert de technologie. J’accompagnais le montage de projets innovants dans les PME, pour le compte de l’État et de la Région Alsace. Tout en gardant l’âme d’un chercheur, cette expérience m’a nourri et quand j’ai monté le laboratoire il y a une dizaine d’années, mon ambition était déjà de transposer mes travaux à l’échelle industrielle. J’attendais le contexte favorable.

 


Vous avez aujourd’hui co-créé votre start-up, Spinofrin, avec Technofounders, dans le modèle du « start-up studio ». Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?


D. S. : Le CNRS, avec qui j’avais engagé un programme de prématuration, m’a mis en relation avec les jeunes dirigeants de Technofounders en juillet 2017. J’ai été impressionné par le profil de ces jeunes polytechniciens partis s’exiler aux États-Unis avant de monter leur business en France. Leur stratégie est simple : ils dénichent des pépites dans les labos et étudient leur potentialité sur le marché avant de proposer aux inventeurs de cofonder une start-up. Ils apportent alors les levées de fonds, assurent la gestion de l’entreprise au quotidien pendant les premières années de développement. Fervent défenseur de la recherche publique, je me suis pourtant orienté vers ces acteurs privés pour leur capacité à partager le risque et pour leur implication directe dans le développement de l’entreprise.

 


Vous considérez-vous comme un créateur d’entreprise aujourd’hui ?


D. S. : Le métier des chercheurs, c’est la science… Je me sens comme un co-fondateur d’entreprise, pas comme un créateur. Sans Technofounders, je n’aurais pas créé la société. Je considère que la technologie que nous avons développée est révolutionnaire, mais je n’aurais pas franchi le pas seul.

 


Quelles sont les prochaines étapes ?


D. S. : Aujourd’hui, la SAS Spinofrin est créée avec ses co-actionnaires : quatre chercheurs et ingénieurs de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint Louis et du CNRS et Technofounders. Une première levée de fonds a permis l’embauche d’un ingénieur. Un commercial sera recruté d’ici quelques semaines… L’offre de service est clairement définie, avec un accompagnement des clients depuis l’étude de faisabilité spécifique à chaque composé jusqu’à la production industrielle. Et côté labo, la recherche continue pour alimenter la start-up !

 

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Du plus petit cristalliseur de laboratoire (à droite) au cristalliseur industriel

©Denis Spitzer

 

Contact

Denis Spitzer
Chercheur au laboratoire Nanomatériaux pour les systèmes sous sollicitations extrêmes (CNRS/Université de Strasbourg/ISL)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC