Neutraliser un médicament dans l'organisme pour stopper ses effets secondaires

Résultats scientifiques Vivant et santé Molécules

Pour éliminer les médicaments résiduels après un traitement et éviter ainsi que se prolongent les effets secondaires, les chercheurs du Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg) et de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) ont imaginé un médicament capable d'être modifié dans le corps en réaction à un agent de neutralisation. La nouvelle entité formée par cette réaction chimique in vivo est dépourvue de toute activité biologique et rapidement éliminée de la circulation sanguine par l'excrétion rénale. Ces travaux sont parus dans la revue Nature Communications.

Une étape essentielle au cours de la mise au point d'un médicament est l'optimisation de son comportement dans l'organisme après qu'il ait été absorbé par le patient. En effet, ce médicament doit atteindre sa cible biologique en quantité suffisante et pendant suffisamment longtemps. Ainsi, les médicaments sont souvent des molécules dites à longue durée d'action, c'est à dire qu'ils persistent plusieurs jours voire plusieurs semaines ou mois dans l'organisme après leur administration. Cependant, tout médicament peut induire des effets indésirables sans que ceux-ci soient prévisibles ou qu'il y ait erreur médicale.

Pour améliorer l’efficacité des médicaments et réduire leurs effets secondaires, les chercheurs ont depuis longtemps développé des stratégies duales mettant en jeu un principe actif et son antidote. Une approche consiste, lorsque cela est possible, à suppléer l'organisme avec une molécule réactivant ses fonctions biologiques. Cependant le médicament responsable des effets indésirables reste présent longtemps dans l'organisme et continue à produire un effet néfaste.

Pour neutraliser et éliminer les médicaments après la fin du traitement, les chercheurs du Laboratoire de conception et application de molécules bioactives et de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire ont imaginé un médicament capable d'être modifié dans l'organisme en réaction à une seconde fonction présente sur un agent de neutralisation "antidote". Ces deux fonctions doivent bien entendu être non toxique, inertes vis-à-vis de l'organisme, et réagir spécifiquement entre elles. La nouvelle entité formée par cette réaction chimique in vivo doit-être dépourvue de toute activité biologique et rapidement éliminée de la circulation sanguine par excrétion rénale.

Pour valider cette preuve de concept, les chercheurs ont synthétisé un analogue de la Warfarine, un agent anticoagulant, portant une fonction dite "azoture", et un agent de neutralisation portant une fonction susceptible de se greffer à l’anticoagulant via l’azoture. Ce système a réactivé sur demande une coagulation normale sur une souris préalablement soumise à un traitement anticoagulant et cela directement par neutralisation dans la circulation sanguine du principe actif. La nouvelle molécule résultant de la réaction de la Warfarine et de l'antidote est dépourvue de toute activité biologique et rapidement éliminée de l'organisme.

Ce résultat illustre la capacité du chimiste à agir directement dans la circulation sanguine dans un organisme vivant. Elle ouvre une voie originale pour de nombreux traitements et concilie le paradoxe d’un besoin simultané de biodistribution appropriée avec des propriétés d'excrétion rapide. N’oublions pas que l’on estime à 3% les admissions dans les hôpitaux publics  en rapport avec un effet indésirable médicamenteux c’est-à-dire130 000/an patients concernés.*

 

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Référence

Sylvain Ursuegui, Marion Recher, Wojciech Krezel & Alain Wagner

An in vivo strategy to counteract post-administration anticoagulant activity of azido-Warfarin

Nature communications 19 mai 2017
doi:10.1038/ncomms15242

Contact

Wojciech Krezel
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC