Molécules chirales : séparer l’inséparable

Résultats scientifiques Vivant et santé Molécules

Séparer les molécules chirales présente un intérêt pharmaceutique certain pour le développement de médicaments. Grâce à une méthode originale, des chercheurs de l’Institut des Sciences Moléculaires (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et de l’Université VISTEC en Thaïlande, sont parvenus à trier des molécules chirales d’un mélange circulant dans un canal microfluidique en utilisant un champ électrique. Ces travaux sont publiés dans la revue Angewandte Chemie.

De nombreuses molécules chirales - deux molécules constituées des mêmes éléments chimiques mais sous deux formes différentes appelées énantiomère – servent de principes actifs dans des médicaments. La synthèse de ces molécules conduit normalement à un mélange 50/50 des deux énantiomères ayant des effets antagonistes. En vue d’une utilisation thérapeutique, il est donc nécessaire de les séparer. Depuis 2014, des chercheurs de l’Institut des Sciences Moléculaires (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et leurs collègues thaïlandais travaillent sur une méthode de séparation originale. Ils réalisent des moules métalliques sur mesure correspondant à la forme des énantiomères qu’ils souhaitent cibler.

La puissance de ce concept a été récemment illustrée à l’aide d’une séparation effectuée dans un canal microfluidique11 . Les chercheurs ont placé, à l’intérieur du canal, des métaux poreux modelés en fonction de la structure d’un énantiomère. Ainsi, lorsqu’un mélange circule dans le canal, l’empreinte moléculaire à l’intérieur du métal attire l’énantiomère cible, alors que l’autre énantiomère circule plus rapidement sans interagir avec la surface métallique. Le temps de parcours au sein du canal est ainsi plus long pour les molécules interagissant avec le métal que pour les autres. Afin d’accroître le pouvoir de séparation de leur dispositif, les chercheurs appliquent un potentiel électrique au métal, ce qui favorise les interactions entre énantiomères cibles et la phase métallique. La méthode a été testée sur des molécules d’intérêt pharmaceutique comme la tyrosine, un principe actif utilisé dans le traitement des dépressions et de l’hypertension artérielle, mais aussi sur un anti-inflammatoire : le Naproxene.

Désormais, les chercheurs souhaitent étendre leur méthode à d’autres molécules chirales et remplacer le platine utilisé actuellement par des métaux moins onéreux et par conséquent plus propices à des applications industrielles.

Références

Sunpet Assavapanumat, Thittaya Yutthalekha, Patrick Garrigue, Bertrand Goudeau, Véronique Lapeyre, Adeline Perro, Neso Sojic, Chularat Wattanakit, Alexander Kuhn
Potential-Induced Fine-tuning of the Enantioaffinity of Chiral Metal Phases

Angewandte Chemie International Edition - Décembre 2018
DOI : 10.1002/anie.201812057

  • 1Leur taille (entre 10 et 100 µm) permet de manipuler de très petites quantités de fluides.
© Sunpet Assavapanumat

Contact

Alexander Kuhn
Chercheur à l'Institut des sciences moléculaires (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeau INP)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication