Cancer de l'estomac : la surproduction des microARN neutralisée

Résultats scientifiques Vivant et santé

À partir du criblage de molécules issues de la chimiothèque nationale, des chercheurs de l’Institut de Chimie de Nice (CNRS-Université Côte d’Azur) et du laboratoire ARNA de Bordeaux (CNRS-INSERM-Université de Bordeaux) ont découvert une famille de molécules - des dérivés de polyamines - capables d’inhiber de manière sélective la production des microARN impliqués dans le cancer de l’estomac et de bloquer la prolifération des cellules cancéreuses. Ces travaux qui laissent entrevoir une nouvelle approche thérapeutique des cancers gastriques sont parus dans Scientific Reports.

Ces dix dernières années, des avancées majeures ont été réalisées dans le domaine de la génétique du cancer. Parmi elles : la découverte d’un déséquilibre de la production des microARN, de petites molécules d’ARN (acide ribonucléique) dont le rôle est de réguler l’expression des gènes. Qu’il se manifeste par une surproduction et donc une surabondance de microARN ou par une sous-production, ce déséquilibre est désormais connu pour être impliqué dans toutes les étapes du développement tumoral, de son initiation à la formation des métastases. Une nouvelle piste thérapeutique aujourd’hui explorée vise donc à contrer ce déséquilibre, notamment en inhibant la surproduction de microARN observée dans plusieurs types de cancers.

Des chercheurs de l’Institut de Chimie de Nice (ICN), en collaboration avec le laboratoire ARNA de Bordeaux, se sont ainsi intéressés à deux microARN - miARN 372 et miARN 373 - qui interviennent spécifiquement dans le développement du cancer de l’estomac, quatrième cause de décès par cancer dans le monde. Leur but : identifier des molécules capables d’inhiber de manière la plus sélective possible la surexpression de ces deux microARN. Par une méthode de criblage à haut débit développée par l’ICN et adaptée à leur identification, et en utilisant la chimiothèque nationale 1 , les chercheurs ont testé l’action d’un panel représentatif de la chimiothèque composé de 640 molécules (« chimiothèque essentielle ») sur les microARN 372 et 373. Ce criblage s’est conclu par l’identification de plusieurs molécules qui réduisent la surexpression des microARN ciblés et qui, par ailleurs, s’avèrent appartenir à la même classe chimique, celle des composés polyamines.

Ainsi révélé in vitro à l’échelle moléculaire, l’effet de ces composés a ensuite été évalué sur des lignées de cellules d’adénocarcinomes gastriques et sur des cellules prélevées chez des patients atteints d’un cancer de l’estomac. Cette étape a confirmé l’efficacité des dérivés de polyamines pour empêcher la surexpression des microARN, mais aussi pour bloquer la prolifération des cellules tumorales. Forts de la découverte des mécanismes d’action de ces molécules et de leurs interactions sélectives vis-à-vis des microARN, les chercheurs visent désormais à synthétiser des molécules homologues dotées d’une activité optimale. Un travail qui permettrait d’appliquer cette nouvelle approche pour traiter le cancer de l’estomac.

 

 

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©Maria Duca

 

 

 

 

Référence

Cathy Staedel, Thi Phuong Anh Tran, Julie Giraud, Fabien Darfeuille, Audrey Di Giorgio, Nicolas J. Tourasse, Franck Salin, Philippe Uriac, Maria Duca
Modulation of oncogenic miRNA biogenesis using functionalized polyamines.
Scientific Reports – Janvier 2018 
Doi:10.1038/s41598-018-20053-5

 

  • 1Bibliothèque d’environ 70 000 molécules chimiques collectées dans les laboratoires publics français.

Contact

Maria Duca
Chercheuse à l'Institut de chimie de Nice (CNRS/Université Côte d'Azur)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC